Congé paternité : où en sommes-nous 2 ans après ?

Depuis le 1er Juillet 2021, le nouveau congé paternité / second parent est entré en vigueur en France. Il s’agit d’une véritable évolution car sa forme n’avait pas bougé depuis 2002. 

Je m’étais, avec un collectif de papas (et bien d’autres auparavant), personnellement engagé sur le sujet. Et c’est encore le cas depuis car il se doit d’être accompagné pour réellement infuser au sein de notre société.

Mais deux ans après, où en sommes-nous concrètement ? 

Dans cet article « bilan », je vous propose de faire un point sur la situation à ce jour et d’identifier les actions possibles pour en accélérer son appropriation.

Rappel des modalités du nouveau congé paternité

Poussée par une directive Européenne de 2019 demandant aux pays membres de proposer un congé paternité de 10 jours minimum, la France annonce un nouveau congé paternité / second parent en Septembre 2020, entrant en vigueur au 1er Juillet 2021.

Plus de 20 ans après, le congé paternité évolue enfin. Composé initialement de 11 jours calendaires facultatif (en complément des 3 jours ouvrés obligatoires de congé naissance), il voit sa durée doubler. En effet, le congé paternité passe désormais à 25 jours (32 jours pour naissance multiple) qui s’ajoute aux 3 jours de congé naissance. C’est donc désormais de 28 jours dont disposent les nouveaux papas pour accompagner au mieux l’arrivée de leur nouvel enfant.

 

Au-delà de la durée, le nouveau congé paternité propose différents dispositifs. En synthèse, les nouvelles modalités sont les suivantes : 

- 7 jours obligatoires sur les 28 jours (3 jours de congé naissance + 4 jours de congé paternité)

- 4 jours sur les 25 sont à poser immédiatement après le congé naissance. Le reste peut être posé de manière fractionnée en deux périodes d’une durée minimale de 5 jours

- L’employeur doit en être informé au moins 1 moins avant la date présumée d’accouchement 

- le congé paternité est étendu au second parent

- Les 3 jours de congé naissance sont indemnisés par l’employeur. Les 25 autres jours par la Sécurité Sociale (ou par l’employeur en cas de subrogation), sous forme d’indemnités journalières (pourcentage du salaire).

Les bénéfices du congé paternité de 28 jours

Profitons également de ce bilan à 2 ans pour rappeler les nombreux bénéfices du nouveau congé paternité, aussi bien dans le cadre de la sphère professionnelle que personnelle.

Au niveau de l’entreprise, les avantages sont multiples. Le nouveau congé paternité permet : 

  • d’impacter sur l’égalité Femme / Homme.  Encore aujourd’hui, en 2023, il existe un "risque maternité » à l’embauche. Le congé paternité plus long permet de transformer ce risque en « fait parentalité », porté aussi bien par les femmes que par les hommes. Par cascade, l’impact pourrait aussi être positif en termes de rémunération. En moyenne, les femmes gagnent 20% de moins que les hommes. Elles connaissent une véritable pénalité en termes de rémunération suite à la naissance d’un enfant, notamment liée à une baisse d’activité (pour 50% d’entre elles). A l’inverse, les hommes voient leurs salaires augmenter sur les 5 années suite à la naissance d’un enfant (lié au sur-investissement professionnel). Et si on changeait la donne ?
  • d’attirer et de fidéliser les talents. Les 20/40 ans souhaitent un meilleur équilibre de vie pro/perso. L’enjeu majeur des entreprises est actuellement de réussir à attirer et garder des salarié.e.s. Ce nouveau congé paternité aide à la conciliation des vies, au bien-être des nouveaux parents et à muscler sa marque employeur
  • de développer de nouvelles compétences. Un homme engagé dans sa paternité va développer de nouvelles compétences. L’empathie, l’organisation, l’anticipation, la créativité, … sont autant de nouvelles soft skills précieuses et attendues en entreprise

Dans la sphère personnelle, le nouveau congé paternité apporte également de nombreux avantages : 

  • favoriser le lien avec le bébé. On ne naît pas papa, on le devient. Et pour y arriver, être présent durant 1 mois est essentiel pour entrer en douceur dans son nouveau costume de papa. Ce temps dédié va permettre de créer une relation forte avec le bébé.
  • soutien à la maman. La grossesse, l’accouchement, puis les premiers mois peuvent être physiquement, psychologiquement et émotionnellement intenses pour la maman. Un papa présent lors de son congé paternité va permettre de soulager la maman pour faciliter sa « récupération ». Et n’oublions pas que le rôle du papa n’est pas « d’aider » la maman mais de prendre pleinement sa part.
  • un couple plus soudé (et une meilleure compréhension au sein du couple). L’arrivée d’un bébé peut bousculer le couple. Un nouveau référentiel est à créer. En étant présent durant 1 mois, le papa va mieux comprendre la nouvelle réalité familiale. Cela va permettre de moins abimer le couple et de créer une dynamique plus positive dans la répartition des tâches et de la charge mentale.

Le bilan, 2 ans après

Alors concrètement, quel premier bilan pouvons-nous tirer du nouveau congé paternité ?

A ce jour, il n’existe pas ou peu d’étude complète et précise sur l’appropriation de ce nouveau congé paternité. Cependant, certaines études nous permettent de tirer quelques enseignements :

  • une prise plus longue du congé paternité. Selon la Direction de la Sécurité Sociale, la durée moyenne pour ceux qui prennent le congé paternité a doublé pour passer de 11 jours en 2020 à 20 jours en 2022. Une bonne nouvelle donc mais à nuancer : nous ne sommes pas sur une prise des 28 jours et nous ne savons pas encore si le nombre de pères prenant le congé paternité a augmenté (pour rappel, 70% des pères prenaient leur congé paternité dans son ancienne version)
  • Un recours au congé paternité lié à la rémunération.  Une étude du CEREQ (Centre d’Etudes et de Recherche sur les Qualifications) identifie un frein très clair lié à la rémunération. En synthèse, le recours au congé paternité est plus faible aux deux extrémités (salaires bas et salaire haut). L’explication est double. Pour les salaires plus modestes, les jeunes pères indiquent une peur des conséquences de la prise du congé paternité sur leurs carrières professionnelles. Pour les plus hauts salaires, la raison évoquée est celle du sur-investissement professionnel lié à des postes de direction (il y a peut-être également l’impact en termes de rémunération puisque l’indemnité est plafonnée).
  • Des différences en fonction de l’entreprise. L’étude du CEREQ identifie également un lien avec la taille de l’entreprise. Dans les structures de plus de 200 salariés, la prise du congé paternité se fait plus facilement. C’est moins évident dans les TPE.
  • Des explications multi-factorielles. Enfin, l’étude du CEREQ indique également un lien avec l’ancienneté (la prise du congé paternité est 3 fois plus faible pour les pères avec moins d’1 an d’ancienneté), le statut du contrat de travail (une prise bien plus forte en CDI) et le niveau de qualification (les pères avec un niveau Bac + 3 ou plus ont 2,5 fois plus de chance de prendre leur congé paternité que ceux avec un niveau bac).

Les études sont donc partielles mais permettent, à mon sens, de tirer plusieurs enseignements sur les actions à mener pour en accélérer son appropriation (on en reparle juste après).

Enfin, et au-delà des chiffres, un point essentiel est à ajouter au bilan de ce nouveau congé paternité, qui est, à mon sens, un véritable changement sociétal et culturel. Les médias se sont pleinement saisis du sujet de la paternité et de la place du père. Longtemps invisibilisé, ce sujet est désormais traité par tous types de médias et sous plusieurs angles. Un média dédié, Kool Mag, a même été fondé par Baptiste des Monstiers. Il a d’ailleurs reçu récemment le prix « Engagement éditorial » par Publicis Média.

Ce traitement médiatique dit beaucoup : le nouveau congé paternité a mis dans la lumière l’impérieux besoin de changer la place du père dans notre société.

Comment accélérer le mouvement ?

Je l’ai dit précédemment, nous sommes face à un changement sociétal. Et comme tout changement sociétal, il se doit d’être accompagné. Nous sommes toutes & tous actrices & acteurs du changement : entreprises, professionnels de santé, médias, politiques, justice et évidement chacun d’entre nous.

Le 1er bilan synthétisé ci-dessous est riche d’enseignements. Nous pouvons voir clairement que perdure encore une peur du jugement, une auto-censure et un manque d’information sur les modalités.

Et cela nous permet de poser plusieurs actions afin d’accélérer le mouvement et la prise du congé paternité dans sa forme actuelle. Notamment en entreprise car pour rappel, plus de 80% des salariés sont des parents : 

  • Sensibiliser les salarié.e.s sur le nouveau congé paternité, ses modalités et ses bénéfices. C’est, à mon sens, un prérequis indispensable. La sensibilisation est un pré-requis avant de passer à l’action. En entreprise, cela peut prendre plusieurs formes : conférences, atelier, groupe de paroles, e-learning ou micro-learning, …
  • Mettre en lumière plus de rôles models. L’exemplarité a un impact puissant. Elle permet à chacun de s’identifier et elle autorise : « il a pris son congé paternité, je peux le prendre également ». En entreprise, cela peut prendre la forme de témoignages écrits ou vidéo, partagés sur les réseaux sociaux internes, les newsletters …
  • Former les managers à la paternité / parentalité en entreprise. Les managers ont un rôle essentiel à jouer pour encourager la prise du congé paternité. Leur posture bienveillante, leur écoute, les entretiens en amont et aval du congé paternité, la valorisation des nouvelles compétences, l’organisation et le transfert des dossiers durant l’absence… sont autant de clés pour faciliter la prise du congé paternité. Pour beaucoup d’entre eux, le manque d’accompagnement à la prise du congé paternité n’est pas de la mauvaise volonté mais de la méconnaissance des dispositifs possibles. Les former au sujet est une solution efficace.
  • Proposer des dispositions extra légales. De plus en plus d’entreprises, de la TPE au grand groupe, proposent un congé paternité amélioré : plus long (jusqu’à 20 semaines) et/ou mieux indemnisés (et nous avons vu que la rémunération était un frein potentiel) avec une prise en charge à 100% du salaire.

De nombreuses actions sont possibles. Elles demandent d’oser. C’est à chacun d’entre nous d’en être convaincu et de porter le sujet.

Les perspectives d’un nouveau congé paternité

Et si nous nous lancions dans un exercice de prospective et d’écriture des futurs souhaitables pour le congé paternité ?

A mon sens, deux temporalités se dessinent : 

  • A court et moyen terme, il s’agit déjà de s’assurer que ce congé paternité de 28 jours soit pris par le plus de papas possibles et entièrement. Et à aujourd’hui, les comptes n’y sont pas. Il est urgent de poursuivre le travail de sensibilisation, auprès des futurs parents et des entreprises & collectivités. Il y a probablement un axe d’amélioration dans la prise en compte à 100% de l’indemnisation du congé paternité (par les entreprises ou l’Etat), véritable frein à ce jour, notamment pour les plus bas salaires.
  • A moyen et long terme, une refonte plus globale du congé paternité devrai être envisagée : sur sa durée (en l’alignant sur la durée du congé maternité pour véritablement impacter sur l’égalité Femme / Homme) et son indemnisation (prise en charge totale). Une refonte totale des congés parentaux serait également un axe fort de progrès.

 

Pour conclure, nous voyons, au travers de cet article, que le bilan à 2 ans du congé paternité est en demi-teinte. On sent que le sujet infuse dans la société mais qu’il reste encore beaucoup à faire.

Eternel optimiste, je pense que c’est une histoire de temps pour que ce nouveau congé paternité soit pleinement une histoire de papas. Le temps est notre allié mais nous ne devons pas rester passif. Comme nous l’avons indiqué, de plus en plus d’entreprises proposent des dispositifs extra-légaux pour aller plus loin. C’est à chacun d’entre nous (et particulièrement aux Dirigeants, RH et Managers en entreprise) de se saisir du sujet. Pour enfin créer un nouveau référentiel commun et désirable.

Écrit par Pascal Van Hoorne


 

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