Les tabous de la parentalité au travail

Alors que la parole se libère sur la plupart des sujets de société, dans le monde professionnel les tabous restent nombreux concernant la parentalité au travail : les trois premiers mois de grossesse, la fausse couche, l’annonce à l’employeur, la volonté d’un congé parental, le passage en temps partiel, la gestion du quotidien, l’urgence de l’enfant malade, etc.

Explorer ces tabous, discuter de leur impact sur les salariés-parents et proposer des moyens de les surmonter participe à créer un environnement plus inclusif et bienveillant en entreprise pour favoriser l’engagement des salariés.

Ces tabous démarrent...avant même la grossesse

La période de discrimination des femmes par rapport à la grossesse et à l’éducation des enfants s’étend sur plusieurs dizaines d’années de la fin des études jusqu’au milieu de carrière. Dès leur entrée dans la vie active, les femmes sont perçues comme pouvant potentiellement donner naissance à des enfants et donc s’absenter du travail.

Au cours du recrutement, il arrive encore que des questions maladroites voire indiscrètes soient posées aux femmes en âge d’avoir un enfant.. Certains employeurs tendent encore à privilégier, à compétences égales, un homme plutôt qu’une femme à l’approche de la trentaine ou de la quarantaine. Une bonne pratique consiste à éviter les questions liées à la vie familiale lors des entretiens afin de diminuer les biais inconscients. Former les responsables à la sensibilisation aux biais peut également aider à éviter la discrimination et augmenter la parité au sein de l’entreprise.

Des préjugés cachés aux remarques insidieuses

La parentalité au travail ne se limite pas seulement à l'équilibre entre responsabilités professionnelles et familiales. Elle englobe également les perceptions et les stéréotypes auxquels sont confrontés les parents, en particulier les mères.

Les remarques anodines et les questions indiscrètes sèment le doute et l'insécurité chez les parents et peuvent aller jusqu’à la discrimination totale.

Les questions inappropriées persistent de la part des employeurs, comme de la part des collègues :

  • Vous avez quel âge ?
  • Vous avez déjà des enfants ?
  • Vous comptez en avoir d’autres ?
  • Et votre mari, il fait quoi dans la vie ?
  • Comment va-t-elle gérer sa nouvelle prise de poste avec un enfant ?
  • Pourra-t-elle faire face à toutes ses responsabilités professionnelles et familiales ?

Ces questions sont souvent réservées aux futures ou actuelles collaboratrices et rarement posées aux hommes.

Il est crucial de sensibiliser les équipes à ces remarques pour éviter que  les salariés-parents se sentent jugés voire discriminés. Plutôt que de présumer des choix des parents, il est souhaitable d’encourager un environnement où chacun se sent libre de partager ses expériences sans crainte de jugement. Tous les salariés et pas uniquement ceux qui travaillent dans le département des ressources humaines ont un rôle essentiel à jouer en promouvant une culture de respect et de soutien.

L'annonce de la grossesse et le risque de fausse couche

Les tabous autour de la parentalité commencent bien avant que la grossesse arrive à son terme. Les trois premiers mois de grossesse, souvent empreints de prudence en raison du risque de fausse couche, sont parfois une période de dilemme. Faut-il en parler tout de suite ou garder le secret ? La peur d'une fausse couche rend cette décision encore plus délicate. Heureusement, des entreprises et des législations évoluent pour soutenir les femmes dans ces moments difficiles.

Beaucoup d’appréhension subsistent pour les femmes autour de l’annonce, la peur de perdre leurs responsabilités professionnelles et leurs projets importants. Le rôle du manager passe justement par le fait d’offrir un espace de parole libre ainsi qu’anticiper une organisation, une répartition et une priorisation du travail en cas de changement et d’absence du salarié.

Cet espace de parole apparaît d’autant plus nécessaire que les 3 premiers mois de grossesse sont la plupart du temps complètement passés sous silence. Dans le livre « Trois mois sous silence » paru en 2021, Judith Aquien souligne que pour 85% des femmes, les 3 premiers mois de grossesse sont, par certains aspects, un enfer physique et psychologique : elles subissent de nombreux symptômes et traversent une période d’insécurité et de questionnements mais ne doivent rien laisser transparaître, notamment au travail mais souvent aussi auprès de leur entourage proche.

Les entreprises peuvent jouer un rôle crucial en offrant des politiques de congé et de soutien adaptées aux différentes étapes de la parentalité. Par exemple, certaines entreprises ont pris l'initiative de permettre un congé de courte durée en cas de fausse couche, reconnaissant l'importance de soutenir émotionnellement et physiquement les salariées dans ces moments difficiles. Des initiatives législatives montrent également que la société reconnaît l'importance d'une protection accrue pour les parents qui traversent cette épreuve. A partir de septembre 2024, les députés en France ont prévu un parcours fausse couche qui associera les professionnels médicaux dans une approche pluridisciplinaire. La suppression du délai de carence pendant un arrêt maladie pour fausse couche doit s’appliquer quant à elle au plus tard début 2024. Dans le code du travail, les sénateurs ont ajouté la protection contre le licenciement en cas de fausse couche tardive : à partir de la 22ème semaine d’aménorrhée, il y aura désormais une protection contre le licenciement de 26 semaines contre aucune protection aujourd’hui.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, il y aurait entre 10 et 15% de fausses couches chez les femmes qui savaient qu’elles étaient enceintes.

Des droits et des réalités : la prise du congé paternité encore loin derrière la prise de congé maternité

Le congé parental demeure une étape charnière dans la vie d'un parent. Cependant, de nombreux salariés-parents se sentent incertains quant à leurs droits et à la manière d'aborder cette question avec leur employeur. La reprise du travail est tout aussi complexe. Certains parents cherchent à concilier leur carrière avec des horaires flexibles ou un temps partiel, tandis que d'autres aspirent à poursuivre leur carrière à temps plein. La date de retour au travail dépend souvent du mode de garde choisi pour leurs enfants, ajoutant une couche supplémentaire de complexité d’organisation.

Selon une étude de 2021 de la direction statistique du ministère de la Santé, la DREES, seulement 71% des pères éligibles à un congé paternité y ont eu recours, ce qui reste bien loin du taux des mères pour le congé maternité (93%). Au cours de la même année, le congé paternité a été rallongé pour passer de 11 à 25 jours.

Le congé parental quant à lui demeure presque exclusivement féminin. Une étude de l’OCDE en 2016 montre que 96% des congés parentaux sont pris par les mères.

Il est essentiel pour les entreprises de mettre en place des politiques claires et transparentes concernant le congé parental et la reprise du travail. Des discussions ouvertes et individuelles entre les parents et leurs supérieurs peuvent aider à définir les meilleures solutions en fonction des besoins de chacun. La flexibilité et l'adaptabilité doivent être encouragées pour permettre aux parents de trouver l'équilibre idéal entre leur vie professionnelle et familiale. Cela passe également par les managers et les ressources humaines qui peuvent rappeler et normaliser la prise de congé notamment pour les pères.

Faire face aux défis quotidiens 

La gestion des défis quotidiens liés à la parentalité au travail ne doit pas être sous-estimée. Comment concilier nos responsabilités professionnelles avec les urgences familiales, comme un enfant malade ? Organiser le quotidien avec un enfant demande une coordination minutieuse et une flexibilité accrue. Cela peut nécessiter des ajustements au niveau professionnel pour permettre aux parents de jongler avec les imprévus de la vie familiale.

Les entreprises peuvent offrir des options de travail flexible pour permettre aux parents de gérer les situations imprévues liées à leurs enfants. Par exemple, des jours de télétravail supplémentaires pour s'occuper d'un enfant malade peuvent alléger le stress des parents et renforcer leur engagement envers l'entreprise. Des politiques de congé pour responsabilités familiales peuvent également apporter un soutien précieux pour les parents confrontés à des situations d'urgence.

Encourager une communication ouverte

La clé pour briser ces tabous réside dans la communication ouverte. Pour mieux soutenir les salariés-parents dans leur parcours professionnel, il est temps de créer un espace pour parler librement et en toute confiance. Cela inclut des sujets sensibles tels que le traitement contre l'infertilité, qui peut nécessiter des ajustements dans le cadre du travail. Il englobe également les préoccupations spécifiques liées aux trois premiers mois de grossesse, où la peur d'une fausse couche peut peser lourdement.

La communication ouverte doit être encouragée à tous les niveaux de l'entreprise. Des groupes de soutien pour les parents au travail, des sessions de partage d'expériences et des discussions informelles peuvent créer un espace où les parents se sentent à l'aise de partager leurs préoccupations et leurs besoins. Cela favorise un environnement de compréhension mutuelle et de soutien, où les parents se sentent valorisés et intégrés.

En conclusion, le chemin vers un environnement de travail respectueux et compréhensif envers les parents est parsemé de défis à relever et de tabous à briser. En travaillant ensemble, en ouvrant des canaux de communication et en soutenant activement nos collègues parents, nous pouvons créer une culture où la parentalité est valorisée et où les opportunités professionnelles sont accessibles à tous, quel que soit leur situation familiale.

 

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Écrit et publié par Pauline Bar

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