Télétravail et équité femme/homme

un nouveau mode organisationnel à accompagner

 

Depuis le début de la pandémie, il y a deux ans maintenant, nous avons vu fleurir de nombreux articles concernant les impacts du télétravail sur l’égalité femme/homme.  

La pandémie et les conditions de travail dans lesquelles nous évoluons depuis deux ans auraient-elles créé des inégalités entre les femmes et les hommes, entre les mères et les pères que l’on découvrirait maintenant ?  

Évidemment, la réalité est bien différente.

 

Le télétravail est-il un miroir des inégalités hommes/femmes ? 

Les inégalités étaient déjà présentes. Les filles et les garçons ne sont pas socialisés de la même façon tout comme les femmes et les hommes ne travaillent pas souvent dans les mêmes métiers, ni les mêmes conditions de travail et ne concilient pas les temps de la même façon ni pour les mêmes raisons.  

La pandémie et le télétravail confiné n’ont donc rien créé de neuf, ils ont uniquement agi comme une loupe, un miroir grossissant des inégalités et des parcours différenciés qui préexistaient à la pandémie mais qu’aujourd’hui, il est impossible d’ignorer !  

Face à ces constats, il est important de prendre du recul sur ces deux années pour interroger notre organisation du travail et envisager de nouvelles manières de la concevoir, plus inclusives et plus respectueuses des droits de chacun et chacune. Pour ce faire, il est utile de chausser nos lunettes de genre, parce qu’il serait naïf (et très improductif) de penser cette réorganisation au masculin neutre. Car de facto, nous l’avons dit : les femmes et les hommes ne sont pas confrontés aux mêmes situations au travail, dans leur vie personnelle et familiale.  

 

5 domaines d’action pour améliorer l’égalité professionnelle 

Pour accompagner cette réflexion du futur du travail qui, à n’en pas douter comprendra une part importante de travail à distance, l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des conditions de travail) propose de prendre en compte 5 domaines d’action :

  1. la charge et le temps de travail,
  2. les espaces,
  3. les équipements,
  4. les pratiques managériales,
  5. le rapport au collectif.

Ces différents aspects pouvant être autant de leviers d’égalité que de freins. Je vous propose ici d’en analyser certains.  

 

Une charge de travail correctement répartie 

En ce qui concerne le temps et la charge de travail, l’ANACT recommande de questionner les causes de sur-connexion vécues ces deux dernières années afin d’y répondre de manière plus adéquate. Surcharge familiale, intensification des réunions mais encore présentéisme numérique, étant autant de causes possibles et cumulables.  

Cependant, toutes ne s’appliquent pas de manière égale aux hommes et aux femmes. 

C’est pourquoi, ces causes une fois établies, il convient de fixer des modalités de régulation du travail afin de limiter la surcharge mais aussi la sous-charge de travail. Si l’une peut conduire au burn-out (qui touchent plus les femmes que les hommes(1)), l’autre conduira au bore out dont les impacts sur la santé sont tout aussi graves.  

 

La gestion du temps de travail entre les femmes et les hommes 

Concernant cette gestion du temps de travail, rappelons qu’avant la pandémie, quand les femmes « conciliaient » leurs temps professionnels et personnels c’était principalement pour s’occuper des enfants et des tâches domestiques alors que lorsque les hommes bénéficiaient d’aménagements d’horaires, c’était souvent pour des raisons plus personnelles, par exemple en lien avec une formation ou en lien avec des engagements extra-professionnels mais non familiaux. Les études sur le temps partiel subi, dont je vous invite à prendre connaissance, sont à cet égard extrêmement intéressantes(2).  

S’il est vrai qu’aujourd’hui, à la maison, les hommes en font plus (ce qui laisse espérer une transition vers un "nouvel équilibre" à plus long terme), les femmes en font également plus depuis la crise, alors que la situation est déjà déséquilibrée(3)

Par ailleurs, la question des injonctions sociales est ici, comme souvent, cruciale. Le poids des normes et des stéréotypes pèse souvent sur les mères en créant notamment un sentiment de culpabilité : les salariées du secteur privé sont 1,4 fois plus nombreuses que les hommes à estimer qu'elles ne sont pas assez disponibles pour leurs enfants (21% contre 15% des pères). Aider les mères, par exemple, à retourner au travail après leur congé maternité, tout en évitant la culpabilité et les stéréotypes, c’est aussi le rôle de l’entreprise qui peut offrir une place en crèche privée et mettre en place un accompagnement personnalisé pour permettre un retour serein au travail. 

 

L’équipement de travail : les femmes sont moins bien équipées 

En ce qui concerne l’équipement, les différentes études et concertations sur le sujet convergent pour mettre en avant le fait que les femmes disposent moins souvent d’un environnement adapté pour le télétravail (65% des femmes et 71% des hommes).  

Un environnement adapté signifiant, une pièce dédiée au travail mais aussi des moyens techniques, comme un double écran, une chaise et/ou un bureau adapté… Les femmes ont aussi 1.5 fois plus de risques d'être fréquemment interrompues lorsqu'elles télétravaillent (28% contre 19% pour les hommes(4)).  

 

Des espaces adaptés au télétravail 

Ces chiffres posent alors la question des espaces de travail. En effet, si les femmes ont moins souvent accès à des espaces dédiés et propices au travail à distance, la question des espaces de co-working ou de tiers lieux de travail s’invite dans la réflexion. Dans ce cas de figure, on pourrait imaginer que les entreprises prennent en charge les coûts de ce genre d’alternatives qui, souvent plus proches du domicile, permettent de mieux concilier les temps de vie tout en favorisant l’efficience au travail. L’important étant toujours de laisser le choix aux salariés et de veiller à ce que ce choix soit réellement libre et non-subi, notamment en s’assurant que les alternatives proposées puissent réellement convenir à tous et toutes.  

 

Le rapport au collectif en télétravail 

En ce qui concerne le rapport au collectif en période de télétravail, 57% des femmes disent participer au moins une fois par semaine à une réunion d’équipe contre 63% des hommes. Dans ces réunions, il n’est pas rare de retrouver les mêmes mécanismes de prises de parole plus importantes chez les hommes que chez les femmes. En effet, en télétravail, 22% des femmes interrogées en ont profité pour davantage prendre la parole en réunion (contre 31% des hommes). Quand on connaît l’importance du réseau pour avancer dans une carrière, on comprend que ces chiffres sont loin d’être anodins.  

 

Les recommandations pour une égalité professionnelle par l'ANACT

En conclusion, ce que ces chiffres nous démontrent c’est que penser le travail de demain et en particulier le télétravail, implique de ne pas négliger la question de l’égalité Femme/ Homme.   

Concrètement, l’ANACT propose une double approche de cette égalité dans les futures négociations des accords télétravail. Premièrement, une approche intégrée visant à instituer l’égalité en tant que principe transversal et deuxièmement une approche spécifique visant à développer des actions précises en faveur d’une meilleure égalité. 

Dans le cadre de ces actions spécifiques, l’ANACT recommande, notamment en matière de télétravail :

  • de favoriser la mixité des instances opérationnelles et des instances de décision,
  • d’intégrer des mesures liées à la maternité
  • de prévoir des mesures pour favoriser l’égalité d’accès aux équipements numériques mobiles (webcams, connexion wifi), ainsi qu’aux formations liées au travail à distance.  

Une autre mesure étant de « développer des mesures de prévention des violences au travail et notamment de violences domestiques (proposer des alternatives au domicile pour le télétravail) et de violences sexuelles et sexistes (observation des formes de cyber-harcèlement, …) ». 

Penser les organisations de travail, c’est donc penser de manière inclusive en prenant en compte les impacts sur la santé de chacun et chacune ! Ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra avancer vers l’égalité professionnelle

 

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