Respecter et valoriser les singularités de chacun en entreprise... Concept à la mode ou besoin réel des salariés en 2021 ?

Pour tenter de répondre à cette question, concentrons-nous dans un premier temps sur ce que recouvre ce respect et cette valorisation.

Une entreprise qui met en avant l’Humain est une entreprise qui non seulement se préoccupe du bien-être global de ses salarié.e.s et de leur qualité de vie mais aussi qui s’assure que chacun.e puisse s’épanouir quelles que soient ses différences, ses contraintes physiques, psychologiques, géographiques, familiales, etc…

Une entreprise qui respecte et valorise les singularités de chacun.e repose donc sur la connaissance de ses  salarié.e.s et leur reconnaissance, sur l’écoute active de leurs dires et sur le respect de leurs besoins. Condition essentielle de cette re/connaissance des salarié.e.s, la mise en place de processus internes qui permettent à chacun.e de s’exprimer de manière sécurisée notamment sans crainte de représailles, discrimination ou de propos et d’agissements sexistes.

Si pour certaines entreprises, les intérêts d’une telle démarche reposent principalement sur le respect d’obligations légales, pour d’autres, cela revêt de nombreuses autres vertus, notamment en termes de philosophie d’entreprise, d’image, d’attractivité, de fidélisation et d’engagement des équipes.

On comprend assez rapidement qu’une telle compréhension des singularités des salarié.e.s inclut « de facto » ce qui a trait à la sphère privée. Cette sphère privée qui est rentrée avec force dans nos vies professionnelles depuis maintenant un an et demi.

Certains parlent même d’un décloisonnement entre la sphère privée et la sphère la sphère publique

Qu’implique cependant ce décloisonnement ? Décloisonner signifie-t-il que l’entreprise doit trouver des solutions à tous nos problèmes personnels ? Doit-on (ou peut-on) en tant que collaborateur.trice  aborder gaiement avec notre manager nos sujets personnels qui nous occupent l’esprit et nous empêchent de nous concentrer et d’être performant? Ou au contraire, serait-ce un pas de trop à ne pas franchir au boulot ?

Ce sujet est complexe et il n’y a pas de réponse unique, cependant ces questions méritent d’être posées en entreprise afin d’adapter le cas échéant les modèles d’organisation pour les transposer à ce monde du travail en pleine évolution et aux besoins de ses salarié.e.s.  Il en va en effet du bien-être de ces dernier.e.s mais aussi de la pérennité à moyen/long terme de ces entreprises «  intégratives ».

Cette volonté de reconnaissance des salarié.e.s pour ce qu’ils/elles sont au-delà de l’enceinte du travail est bien légitime car finalement ce qui  nous caractérise en tant qu’être humain ce sont bien ces différentes sphères de nos vies qui se renforcent, se mélangent et s’entrechoquent parfois. 

Développer une culture qui respecte et valorise les singularités de chacun.e revient alors à comprendre que l’ensemble de ces individualités constitue une force, que les diversités au travail sont des atouts dans une équipe et qu’un salarié.e.s ne se résume pas à son CV, comme le montre d’ailleurs le mouvement #JeNeSuisPasUnCV .

Mettre l’humain au centre et décloisonner, c’est donc reconnaître et valoriser davantage l’ensemble des qualités et des compétences des uns·es et des autres et pas uniquement celles qui émanent d’expériences professionnelles. A ce titre, l’initiative « Ma pause parentale » qui permet d’ajouter une ligne d’expérience sur Linkedin lorsqu’on est en « pause parentale » c’est à dire en congé maternité/ paternité/ parental est très intéressante car elle permet notamment aux parents d’envisager ces moments comme des expériences à part entière et à lister les compétences acquises au cours de ces semaines/mois de pause. Cette tendance à reconnaitre les compétences hors des diplômes et des expériences professionnelles s’oppose d’ailleurs à la vision « adéquationniste » du recrutement encore trop souvent ancrée dans la culture d’entreprise française.

Développer une culture qui respecte et valorise les singularités de chacun.e, c’est aussi permettre aux personnes d’être elles-mêmes partout et notamment au travail, par exemple : en leur laissant la possibilité d’exprimer, si elles le souhaitent, et sans qu’elles soient jugées leur difficulté d’organisation quotidienne que ça soit en tant qu’aidant·e ou jeune parent, leur coup de barre extrême lors de la ménopause ou de l’andropause ( oui ,oui ça existe aussi, mais on en parle juste moins) ou leur gestion difficile des sorties d’école en tant que parent  solo ( Parents solos qui sont à  90% des femmes)  afin que ceux et celles qui les entourent puissent les aider à surmonter ces moments et les accompagner pour se sentir bien ou du moins mieux dans leur vie et donc au travail. Sur ce point il sera aussi important de chausser des lunettes de genre. Depuis le début de la pandémie, nous ne pouvons plus nier que les réalités des salarié.e.s diffèrent fortement selon leur genre, notamment en ce qui concerne la charge mentale…

Et pour préciser mon propos et plus particulièrement sur les limites de ce que qui est jugé acceptable d’exprimer dans le cadre du travail, je vous partage la  réflexion de Sandra Fillaudeau que je trouve fort intéressante.  Elle préconise non pas de penser le découpage de nos vies en termes de sphère professionnelle et personnelle mais plutôt en séparant le public de l’intime. « On réserve l’intime à soi et ses proches, et on partage le public avec les autres : celles et ceux qui sont en position de nous aider à aménager les conditions. ».  Finalement, créer et propager une culture où l’Humain est au centre, ne relève pas de l’imposition ou d’un nouveau dogme mais bien de la liberté de choix à chacun.e.

Respecter et valoriser les singularités de chacun.e en entreprise n’est donc pas une nouvelle «  lubie »  et ne signifie pas non plus de renverser les rôles. Il s’agit au contraire de trouver un juste équilibre entre la reconnaissance des besoins non rencontrés jusqu’alors et les intérêts de l’entreprise.

C’est donc bien une démarche « win-win » dans laquelle le bien-être des salarié.e.s et la performance de l’entreprise sont valorisés.  Pour y parvenir il faudra peut-être que certaines entreprises revisitent leurs processus RH et de management afin de développer des cultures d’entreprises où la parole est libre, où les stéréotypes et le sexisme sont abordés à tous les niveaux, où l’Humain n’est pas uniquement considéré comme du capital et où ces valeurs sont portées et incarnées au plus haut niveau.

 

Nadège Dazy
Consultante formatrice égalité Femme/Homme

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